Jacques Salomé a coutume de dire que dans une maison les animaux et les enfants savent tout.
A la vue d’un bébé ou d’un jeune enfant, les adultes ont souvent tendance à penser « qu’il est trop petit pour comprendre » et donc il est tout à fait possible de lui dire plus tard… que l’on va changer de maison, qu’il va y avoir un autre enfant dans la fratrie, que le couple se sépare, que le grand-père est mort ou très malade… l’intention des parents est magnifique : protéger les enfants.
Seulement quoi de plus terrible que de sentir que des choses inhabituelles se passent sans pouvoir mettre des mots dessus ! Comment ne pas se sentir exclu ou pas assez important quand on sent qu’il se passe quelque chose et que personne ne le nomme vraiment ?
En effet, le premier rôle des parents est de permettre aux enfants de se développer sur les plans psychomoteur, affectif, émotionnel et social afin de les rendre autonome. Et cela commence dès le plus jeune âge. Les enfants apprennent par observation et imitation, ce sont des experts en lecture du non-verbal de leurs parents. Ainsi, ils apprennent en observant leurs parents réagir, gérer leurs émotions et se comporter face aux événements de la vie.
Avez-vous conscience de l’impact que peuvent avoir certaines de vos attitudes sur vos enfants ?
Probablement que non et c’est tant mieux. Inutile de culpabiliser, vous faites du mieux que vous pouvez, l’essentiel est d’accepter de se remettre en question et de progresser. Les enfants apprennent et nous apprenons avec eux !
Que se passe-t-il lorsqu’un événement majeur, agréable ou non, se prépare ou a lieu dans la famille ?
Osez-vous en parler à vos enfants ? Avez-vous les mots pour le dire ? Êtes-vous embarrassés et décidez de garder le silence le plus longtemps possible ? Ou trouvez-vous un mensonge à raconter pour éviter de dire les choses ?
Les enfants captent TOUT ! Les enfants sont des capteurs ultra-sensibles seulement dans bien des cas ils ne comprennent pas ce qu’ils captent… et c’est là que des dysfonctionnements peuvent apparaitre.
Un enfant qui voit son papa triste, inquiet, irritable… comme il est centré sur lui, il se sent responsable de la tristesse de son papa et c’est normal !
Un enfant qui perçoit des changements dans le corps de sa maman, les gestes tendres de son mari envers elle se multiplier, une attention plus distraite vers lui… que se dit-il ?
Les enfants voient, ressentent et entendent beaucoup de choses. Et dans bien des cas, ils ne savent pas mettre de mots sur ce qu’ils ressentent. Alors, ils s’expriment autrement : ils changent leurs comportements, ils somatisent…. TOUT EST LANGAGE disait Dolto.
Comment ça marche ? C’est assez simple en fait, nous percevons la réalité qui nous entoure avec nos 5 sens et les informations captées sont interprétées par notre cerveau pour se raccrocher à des concepts et aux autres éléments existant de notre paysage intérieur pour créer du sens. Lorsque nous voyons un modèle de voiture que nous ne connaissions pas avant, nous sommes en mesure de dire que c’est une voiture et de nommer ce qui est nouveau. Nous pouvons faire cela car le cerveau rapproche automatiquement les informations captées avec ce qu’il connaît déjà et nourrit sa base de données avec le nouveau qu’il lie avec le connu. Notre paysage intérieur se modifie en permanence et nous permet de nous adapter et de « comprendre » la réalité qui nous entoure.
Les enfants construisent leur paysage intérieur encore plus activement que les adultes car ils rencontrent de la nouveauté partout tout le temps. Ils tissent des nouveaux liens en permanence entre les concepts, les idées…
Quand ils captent des changements de comportements chez leurs parents, leurs cerveaux tentent de faire des liens avec ce qui est connu. Que ce passe-t-il face à « la mort » la première fois qu’elle se présente ? Les enfants ne savent pas nommer, mais ils captent de la tristesse, des changements d’habitudes… à quoi cela va-t-il se raccrocher dans leurs paysages intérieurs ?
Chaque enfant, en fonction de son âge et de ce qu’il a déjà vécu va tisser des liens à sa manière, comme il peut, dans le but de créer du sens. Va-t-il associer la tristesse du père avec « c’est ma faute j’ai pas été sage » ? ou va-t-il faire un lien avec l’impression d’être de trop, de gêner ? Ce qui est sûr c’est qu’il y a peu de chances qu’il fasse le lien avec un concept « mort » ou « naissance » ou « déménagement » s’il ne l’a jamais rencontré avant et qu’aucun adulte à mis des mots dessus !
Ainsi, le rôle de l’adulte, et des parents en particulier, est d’aider les enfants à NOMMER, à mettre des mots sur ce qu’ils voient, ce qu’ils ressentent et qui est nouveau pour eux. Car ce qui n’est pas dit est insécurisant, cela créé des angoisses. Quoiqu’il arrive les enfants cherchent à mettre du sens sur ce qu’ils vivent. En les accompagnant, les adultes participent à l’enrichissement de leur paysage intérieur de façon intéressante pour eux.
Pour faire cela, osez mettre des mots, prenez le temps de les écouter et d’entendre les liens qu’ils font pour les réorienter si besoin, aidez-les à tisser une belle toile intérieure qui puisse leur permettre de grandir sereinement.
Ça fait quoi papa quand on meurt ? Tu pleures parce que Papi est mort ?
Maman, tu as un bébé à l’intérieur ?
Nommer ne veut pas dire parler à un enfant comme à un adulte, non. Cela signifie parler à un enfant, là où il en est, poser des mots et les relier avec les émotions et les événements qui se passent autour.
Pour parler des concepts, comme la naissance, vous pouvez expliquer le processus biologique, les différentes étapes et ce qui va se passer après. Et vous pouvez aussi laisser votre enfant imaginer ce qu’il veut, par exemple : « les médecins savent bien ce qui se passe dans le corps de la maman quand un bébé grandit en elle, par contre les adultes ne sont pas tous d’accord pour dire d’où il vient ce bébé et comment la vie est créée. Moi j’imagine que….. et toi qu’est-ce que tu imagines ? »
Laissez la magie enfantine opérer et donner du sens avec des mots, du rire et des émotions ! Ce sont des outils merveilleux pour commencer la vie !
Gaëlle Dupont
Je te remercie Gaëlle pour ce texte…Il est superbe et très poignant !
Chaleureusement,Anne-Valérie G.
Merci Anne-Valérie, je suis ravie que ce texte t’ai touché.